Gravures de mode - Des crinolines, la suite !

Dans un article précédent j'avais commencé à vous partager de jolies gravures mi-19ème avec leurs descriptions. On continue aujourd'hui avec de nouvelles gravures de mode de 1853 - accrochez-vous à votre crinoline, c'est parti !
Gravure de mode, deux robes de mariée en 1853
Mars 1853

Les gravures sont tirées d'un volume du Conseiller des Dames et des Demoiselles qui n'est pas relié sur une année entière, mais de novembre (1852) à octobre (1853).
Je commence par mes petites chouchoutes, les robes de mariée.
"Une mise de mariée !... La toilette du matin et puis celle du soir . Oui, mesdames, voilà ce que votre CONSEILLER a trouvé de mieux à vous offrir dans un moment de quasi-interrègne de la mode ; car, que dire encore ? - Donner de nouveaux détails pour l'hiver ? - Mais nos cartons en sont pleins, et pourtant nous craindrions de nous répéter en en parlant ; - Nous lancer dans le champ trop inégal des conjectures, et préconiser les modes à venir ? - Ce serait nous rendre coupables d'inconséquence au premier chef !... Tandis qu'une toilette de mariée a toujours son actualité et le carême lui-même, n'exclut pas dans une certaine communion, le préparatifs d'un hymen prochain !... Pâques n'est pas si loin, et à titre de commémoration de trois sorte, Pâques est un si grand jour !"
La vache, j'ai toujours tendance à oublier à quel point la religion rythmait la vie sociale aussi...
Je note que le magazine prle de deux robes pour la même mariée. De l'état actuel de mes connaissances sur les pratiques du mariage au XIXème, la cérémonie avait lieu le matin, à l'église, donc on se couvre les bras, les épaules, tout ça tout ça. Le soir il pouvait y avoir une sorte de réception plus sociale, d'où les manches courtes et le décolleté.
"Voici, mesdames, la description de notre gravure, veuillez nous permettre, à son sujet, de vous rappeler qu'il ne faut nullement vous préoccuper des ornements plus ou moins coûteux de ces deux gravures ; il ne s'agit sérieusement ici que de l'ensemble de chaque costume, sauf à modifier ou remplacer les ornements, si l'on veut faire une dépense moindre."
Quand même le magazine nous dit "non mais faut pas prendre ça au pied de la lettre, hein ! Ça rejoint ce dont je parlais dans ma vidéo sur les disproportions dans les gravures de mode (que vous pouvez aller regarder sur ma chaîne YouTube)
"Mise du matin. Robe de velours blanc-plein, corsage décolleté, demi-busqué, orné de rubans de satin formant draperie et croisure en X, sur le devant ; le second agrément de ce corsage est un revers de point d'Angleterre, venant mourir sur la ligne du busc, et sous une agrafe formée de pervenche blanches entremêlées de fleurs d'oranger ; manches vénitiennes, fendues en dessus, ornées tout autour de petites brides mousquetaires ; doubles volants d'Angleterre. - La jupe décorée, sur le devant d'un tablier formé d X composé de rubans noués en croix par une agrafe de perles, à glands tombants.
Jupe ornée devant d'un tablier formé d'X de rubans, avec nœuds de perles. - En dedans du corsage, un guimpe puritaine en tulle de Bruxelles, avec col petit abattu à angles. Cheveux en bandeaux un peu ondés ; couronne de fleurs formée d'un cordon et de deux côtés bouffants ; voile composé d'un écharpe d'Angleterre ou de tulle illusion, prise par le milieu, et retenue par la couronne."
Je ne suis toujours pas sûre de ce que signifie "corsage demi-busqué", le terme revient souvent mais... normalement, le busc il est sur le corset, au milieu devant. Est-ce qu'on parle d'un baleinage à l'intérieur du corsage (j'aurais tendance à partir du principe qu'il y en a toujours un, pour tenir le tissu tendu) ? "L'Angleterre" a l'air d'être une sorte de dentelle - pas de la broderie anglaise comme je disais dans le précédent post de la série, ça ne correspond pas à ce qui est dessiné et ça ne conviendrait pas pour un voile de mariée.
[insérer ici le pouvoir de Google]
"Nom traditionnel, fautif, d'une dentelle aux fuseaux très délicate qui se fabriquait autrefois à Bruxelles. (Ses riches ornements, exécutés séparément, étaient assemblés avec un point invisible puis appliqués sur un fond de tulle très fin.)"
Source Larousse
Bon, je kiffe que ce soit de la dentelle belge, en fait.
Autre détail intéressant : la robe n'est pas montante, mais au moins aussi décolletée que celle du soir. L'encolure et les épaules sont recouverts d'une guimpe séparée - c'est le genre de petits détails qu'on a du mal à voir avec seulement la gravure.
"Mise du soir : Cheveux en bandeaux à la grecque, couronne de fleurs à la Néréide ; robe de taffetas recouverte d'un tulle parsemé de pois brodés en soie, blanc d'argent ; corsage demi-busqué avec draperies agrafées par un bouquet fixé à l'aide d'un nœud de diamants ; la jupe de tulle s'ouvre de chaque côté, et est ralliée par des cordons de fleurs."
La description est beaucoup plus sommaire pour le coup, snif, j'aurais bien aimé avoir plus de détails sur les manches über-chwanana !

Gravure suivante dans la liste, ce sont des costumes de Carnaval - un classique dans les magazines de mode en début d'année. Les thèmes les plus en vogue sont les costume "folkloriques" (avec de gros guillemets) et l'Histoire.
Gravures de mode, déguisements anciens, 1853, mode second empire
Janvier 1853

Je vous passe le sermon sur les "réunions intimes et morales" - avec le sous-entendu que le carnaval a quand même un peu une réputation de débauche, mais que si tu fais ça avec Mamie Pierrette, ça va, et même ça peut être instructif pour les enfants :
"Quant aux travestissements, non seulement ils sont un objet d'innocent amusement pour les enfants, et même, disons-le, pour d'autres grands enfants : ce sont les hommes faits ;..."
Oui, les magazines féminins en 1853 pouffent déjà derrière leur éventail que ohlàlà, ces hommes, heureusement que nous les femmes on est là pour être matures et sérieuses porter la charge mentale.
"...mais ils aident aussi, pour tous ces bons petits, à l'étude de l'histoire. Si l'on veut une preuve de cette assertion, on n'a qu'à jeter les yeux sur notre planche d'aujourd'hui ; trois costumes, trois contrées différentes s'y trouvent en présence : la France, l'Espagne, l'Italie ! La France tenant, sous l'aspect d'une femme riche et belle, d'une femme habillée comme s'habillaient les contemporaines du siècle de Louis XIV, les compagnes des Sévigné et des Ninon, tenant, dis-je le milieu entre l'Italie du temps de Raphaël personnifiée par un petit garçon vêtu à la façon de François Ier, le protecteurs des lettres ; à la gauche de cette belle dame si parée, dont le costume ruisselle de dentelles d'Alençon, se trouve une petite fille gracieuse, alerte, à la chevelure d'ébène, à la tournure dégagée ; elle porte le costume de satin, de velours, d'effilés, de flots de rubans des femmes de l'Andalousie.
Ce costume résume, quand on réfléchit aux détails dont il se compose, tout ce qu'il y a de poésie dnas le caractère espagnol.
Si vos bons parent, chers enfants, vous permettent de porter ces beaux costumes, n'oubliez pas de demander l'histoire des pays qu'ils représentent, ce nrécit ne s'effacera jamais de votre mémoire."
L'histoire ne dit pas si la "chevelure d'ébène" fait partie du costume ou si c'est un pré-requis pour pouvoir devenir une espagnole bien stéréotypée...
Les "effilés", ce sont les franges (qu'on voit sur la jupe), qui ne sont pas rapportées mais formées en effilochant la chaîne du tissu lui-même, en théorie. Du coup est-ce que ce sont des bouts de volants, ou des franges fabriquées dans le même tissu que la jupe et appliquées dessus ? (le dessin me fait pencher pour cette solution)
 
Une petite dernière pour la route, on revient sur des tenues plus classiques pour la saison la plus animée de la vie sociale du second empire - l'hiver, c'est la période des bals, des soirées, et du théâtre - où l'on se fait voir autant que l'on va voir une pièce :
"Si les bals du grand monde et les fêtes de bienfaisance donnent lieu, pour le moment, à de ravissantes toilettes, nos grand théâtres, qui sont très suivis, voient apparaître à leurs balcons de délicieuses parures ; le goût de la toilette se propage de tous côtés, et l'on se pare maintenant pour se rendre à notre grand Opéra, à la Comédie Française, à l'Opéra-Comique et aux Italiens ; ce sont dont, d'après la demande qui nous en a été faite, deux mises de spectacle que nous présente notre planche d'aujourd'hui, mais deux mises, nous prions instamment nos lectrices d'en faire la remarque, qui n'ont aucun rapport entre elles."
(et qui sont pourtant représentées dans la même loge...)
Je n'aurais pas identifié au premier coup d'oeil la robe bleue comme une toilette de théâtre - plutôt sage, manches longues et col montant, simple à première vue...
Gravure de mode de 1853, une femme en robe de jour bleu-gris, debout dos à un miroir, une autre en tenue de soirée jaune et mantelet blanc doublé d'écarlate
Février 1853

"Dame se tenant debout : bonnet-coiffure en blonde, passant sur le sommet du front et retombant en deux étages ou en double fanchon sur le derrière de la tête, avec agrafes de fleurs de chaque côté des tempes ; plumes d'autruche, tournantes, assorties de couleur avec de longues et larges brides flottantes. Robe de forme Isabelle en moire antique fleurie, composée d'un corselet à basque emboîtant les hanches et se fermant devant à l'aide d'une ligne d'agrafes que cache une patte, de chaque côté de laquelle est établie un ligne de boutons grelots, en argent ou en jais blanc ; manches illiriennes à ouvertures découpées, ornées de brides et de boutons, soutachées à bord avec une passementerie à jours, mêlée de jais blanc ; le bas des basques est tailladé et garni de la même manière que le bout des manches ; le devant du corsage et le tombant des épaules sont garnis d'une résille passementée et assortie ; en dedans de ce corselet, une chemisette montante garnie d'une petite fraise d'Angleterre ; les sous-manches sont en application d'Angleterre ; la jupe est unie ; nous avons tenu à ce qu'un effet de glace reproduisît sur notre gravure le même costume vu de profil."
Bon, pas si simple que ça au final. Le tissu est un moire avec des fleurs en plus, les crochets qui ferment le corsage (devant, donc) sont cachés sous une patte avec double rangée de boutons en argent ou... je ne sais pas exactement ce que c'est que le "jais blanc", je cherche encore. Brides, boutons, résille, passementerie, et encore un peu de dentelle des Flandres, y compris pour les sous-manches. Plein de petits détails délicats, raffinés... et coûteux. C'est sans doute aussi un exemple ou le bleu uniforme de la gravure ne rend pas justice aux détails de la robe - on perd totalement le scintillement des boutons, le relief des décorations et la texture de la résille.
"Dame assise. Coiffure Corine, avec chapelet de perles fines torsadant les cheveux, robe de taffetas blanc glacé de citron, choix, dit de lumière; corsage moldave, s’ouvrant sur la ligne du busc, et laissant apercevoir un plastron de dentelle ; les deux côtés du corsage se rallient par des nœuds de ruban ; jupe faisant une traîne ou demi-queue ; sortie de bal, indostane en satin pékiné de Chine ; doublure formé d'un tissu analogue damassé ; dessins ornés d'une application de lacets de soie en couleurs tranchantes, dessins chinois. Cette sortie est à manches pagodes très évasées, qui laissent voir des engageantes de point d'Alençon."
L'ensemble robe décolletée à manches courtes + sortie de bal correspond plus à ce que j'associe en général à une tenue de soirée pour l'époque. Plus formel, plus tape-à-l’œil.
Le taffetas "glacé" est sans doute un tissu changeant avec des fils de chaîne et de trame de différente couleur - blanc et jaune citron semble-t-il.

Il me reste encore d'autres gravures et descriptions à analyser dans ce volume, attendez-vous à une partie 3 prochainement !
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