Corset - comment faire un corset, d'après un article de 1868
LEÇON DE COUTURE
INSTRUCTIONS POUR ÉLARGIR OU DIMINUER LES PATRONS
DE CORSET, POUR COUPER, PRÉPARER ET COUDRE LES CORSETS.
Les corsets illustrant l'article. On est le 6 septembre 1868. |
Le numéro que nous publions aujourd'hui content un certain nombre de corsets de diverses formes et de dimensions variées; On y trouvera des dessins représentant l'exécution des coutures, la fixation des baleines, le meilleur procédé à suivre pour attacher solidement les goussets ; de plus, la planche de patrons contient l’enseignement le plus pratique, et le plus aisé à comprendre et à suivre, pour préparer, d'après nos patrons, des corsets de toute dimension.
Dommage, je n'ai pas la planche de patron en question...
Les contours des diverses figures du patron (une large ligne unie) représentent la dimension du corset; les lignes unies plus fines, qui se trouvent soit en-dehors, soit en dedans du contour originaire, indiquent sur quels côtés et de quelle façon on doit augmenter ou diminuer la dimension du patron; on diminue, ou bien l’on augmente aussi les goussets, d’après les indications qui se trouvent sur les fig. 34 et 35, au verso de la planche, Pour s'assurer que le patron doit être augmenté où diminué, il faut tout d'abord prendre le mesure de la taille, comme s'il s'agissait de faire un corsage ; nous avons déjà indiqué, par nos dessins et nos explications, la procédé à suivre pour prendre ces mesures (voir
le n° 44 de l’année 1866) ;
C'est intéressant ça. Malheureusement c'est pile une année que je n'ai pas (encore). Mais régulièrement les textes de La Mode Illustrée font des renvois à des années précédentes. Des années. On considère que les magazines étaient précieusement conservés.
ajoutons que le bord supérieur du corset doit être calculé de façon à avoir au moins 2 centimètres de largeur de plus que la mesure,
Les chairs se déplacent. Le corset ne fait pas disparaître les volumes, il les remodèle simplement en les poussant vers le haut ou vers le bas.
tandis que la mesure de la taille doit être calculée pour le corset, de telle sorte que celui-ci soit de 2 à 3 centimètres plus étroit. La longueur du corset sera déterminée par l'habitude que l’on a prise à cet égard, et mesurée sur un ancien corset que l’on trouve commode.
"Bah faites comme vous avez l'habitude pour la longueur, quoi !"
La Mode Illustrée, 7 novembre 1869 |
La Mode Illustrée, 21 juillet 1872 |
Comme les corsages deviennent plus longs et plus ajustés sur les hanches, les corsets vont suivre le mouvement et s'allonger aussi dans les années qui suivent. Mais pour le moment on est dans une sorte d'entre-deux où selon les goûts personnels et la composition de sa garde-robe on va faire le corset plus ou moins long du bas (oui, coucou Neville).
On compare les mesures ainsi prises aux dimensions du patron que l’on choisit sur nos planches, et l’on augmente ou l’on diminue les diverses figures composant ce patron, de façon à faire concorder celui-ci avec les mesures du corps. Si le corset devait être notablement et exceptionnellement agrandi, il faudrait laisser en plus, sur le bord de devant et de derrière, l'étoffe nécessaire pour cette augmentation. Si le corset est trop long, ou s’il semble trop court, on raccourcit ou bien on allonge le patron sur le bord supérieur.
Bon alors... okay on ne remonte pas forcément la ligne de sous-poitrine, sous peine d'obtenir un magnifique effet wonderbra, mais euh... ajuster juste la ligne du haut ça me paraît un peu... cavalier disons. Plus facile, plus rapide,... plus séduisant est le côté obscur. Certainement pas plus confortable.
La Mode Illustrée, 7 novembre 1869 |
Ceci dit un peu plus tôt l'article parlait de ligne pour ajuster le corset. Peut-être que ce n'est pas juste pour ajuster dans la largeur ? Qu'il y a aussi des lignes horizontales pour ajuster les hauteurs ?
En coupant les divers morceaux dont se compose un corset, on tiendra particulièrement compte des lignes composées de petits traits (----), qui indiquent toujours la direction du droit fil; sur le dos, l’étoffe doit être prise en droit fil, pour chaque bord de derrière, et l’on doit laisser partout, en plus, 1 ou 2 centimètres d’étoffe pour les coutures, les divers morceaux du corset devant croiser les uns sur les autres.
J'admire le flou total sur la façon d'assembler les pièces. "1 ou 2 centimètres" pour que ça "se crois[e]". Probablement un genre de couture rabattue... probablement.
La Mode Illustrée, 6 septembre 1868 |
Mouais... L'exemple à gauche montre un casier à baleine posé à l'intérieur, par-dessus la couture, et les valeur de couture sont simplement aplaties sur un côté. Efficace (la tension est répartie sur trois coutures) mais basique.
La Mode Illustrée, 21 juillet 1872 |
Là on a un truc qui se "croise" un peu plus. Les bords des deux pièces sont repliés et coincés entre deux coutures, qui peuvent accessoirement servir à créer un casier à baleines.
Notez au passage les finitions manuelles, surjet et point de chausson, à l'intérieur des goussets (oui, l'image de droite c'est à l'intérieur, par à l'extérieur du corset...)
Sur les bords supérieur, inférieur, et sur les bords des devants, le corset est coupé sur les contours du patron; par derrière (sur le bord de chaque moitié du dos), on laisse en plus l’étoffe nécessaire pour un large rempli, ou bien l’on coupe le corset d’après les contours du patron; dans le premier cas, le rempli sert à contenir les baleines et à soutenir les œillets, et l’on pique ce rempli. Dans le second cas, on pose en dessous un ruban de fil suffisamment large, destiné à tenir lieu du rempli, et par conséquent à contenir les baleines et à soutenir les œillets, que l’on fait frapper.
Beaucoup de mots compliqués pour dire un truc simple (c'est une tendance générale). Pour les œillets au dos, soit on replie simplement le tissu du corset, soit on fait un genre de sous-patte ou de parementure avec un "ruban de fil" (probablement un ruban bien solide de lin ou coton, d'après ce que je sais, gros-grain ou sergé bien dense et stable).
Et il semble qu'il existe des endroits où l'on peut faire poser ses œillets, ça a l'air d'un truc commun.
La Mode Illustrée, 7 novembre 1869 "Grand corset", c'est un corset un peu plus long sur les hanches, par opposition à un "corset court" Et oui, c'est un corset d'allaitement. |
Pour contenir le busc mécanique et celles des baleines qui ne sont pas indiquées sur le patron, on pose en dessous du corset un ruban de fil sur la ligne ponctuée, et l’on pique à l'endroit le ruban qui a été choisi suffisamment large pour l'usage que l'on en doit faire ; en d’autres termes, la largeur de ce ruban est déterminée par l'épaisseur du busc. Le ruban du busc est piqué d’un seul côté; sur le bord de devant, il reste non fixé jusqu’à ce que le busc ait été placé ; alors on coud le ruban au corset, à points aussi invisibles que faire ce pourra.
Le "bord de devant". On fixe d'abord la sous-patte du côté du busc le plus éloigné du milieu devant, on met le busc en place, puis on ferme l'emplacement du busc, à la main. Attendez, je ne raconte pas des craques :
Ceci est le busc d'un corset ancien en ma possession (merci encore Séverine !), que je dois encore vous présenter plus en détails. Vous les voyez les points à la main ?
I've been doing it wrong all along... |
Le busc a parfois des boutons, auxquels s’attachent les pattes de la seconde moitié du buse: on fera, pour ces boutons, des œillets soigneusement festonnés dans l’étoffe du corset.
Des "boutons" ? Des picots sans doute ? Et du coup : c'est quoi l’alternative aux picots ?
La Mode Illustrée, 7 novembre 1869 Un busc un peu différent de ce qu'on trouve de nos jours... |
On trouve des crochets de différentes sortes, des lanières croisées "à la paresseuse", des boucles diverses...
La Mode Illustrée, 21 juillet 1872 |
Afin de pouvoir enlever les baleines, lorsqu'il s'agira de laver le corset on ne coudra pas le ruban de fil sur le bord inférieur de l’un de ses côtés longs, et cela, sur un espace d’un centimètre environ. Disons tout de suite que cette méthode, quoique adoptée par un grand nombre de personnes, n'est pas la meilleure; mieux vaut laver le corset avec ses baleines, C'est-à-dire employer pour ce blanchissage une brosse très-dure et de l’eau de savon ; grâce à ce procédé, le corset ne se déforme aucunement, et se rétrécit seulement un peu.
Note pour moi-même : un corset est donc quand même prévu pour être lavé quelques fois pendant sa vie de corset.
On peut aussi percer les baleines à chaque extrémité, et les fixe par de longs points (voir le détail n° 1, sur le verso du patron). Sur le bord du corset, par derrière, on garnit d'habitude l’extrémité supérieure des baleines avec un ruban, afin d'éviter que la baleine se marque sur le corset; on pique ces rubans d'après les indications des détails numéros 1 et 2 (verso).
Autant je comprends le perçage des baleines pour les fixer par des abeilles, autant le ruban en haut des baleines, j'avoue, je sèche. Si vous avez des idées on en discute en commentaire !
Mais ! Ce n'est pas tout ! Trois ans plus tard, je tombe sur ceci :
CORSETS
Nous avons publié, dans le numéro du 6 septembre de l’année 1868, un corset dont la provenance ne nous avait pas été indiquée. Nous aurions réparé plutôt cette omission involontaire, si nous n’en avions été empêchés par les événements des quinze derniers mois. Ce corset est du reste très commode à porter, extrêmement commode à mettre. On l'appelle le corset-express, à juste titre, puisqu'il se met instantanément; il se serre à volonté, ne se déplace pas, et convient aussi bien à la toilette d'intérieur qu’aux toilettes parées. L’inventeur l’a déposé au Grand Marché parisien, rue Turbigo, no 5. Le Corset Marie-Stuart, en beau coutil d'Évreux ou bien en satin de fil, monté sur vraie baleine, coûte 4 fr. 90 c. Le Phénix [sic], nouveau modèle en beau coutil, monté comme le précédent, 6 fr. 90 c. Le Physiologique, monté comme les précédents, à 71r, 50 c.
On peut faire soi-même le corset-express d’après le patron que nous avons publié, et se procurer le Système complet se composant d’un busc,
— deux baleines pour le dos,
— une paire de pattes mobiles,
le tout renfermé dans un joli carton et coûtant, 1 fr. 10 c. La douzaine de systèmes complets coûte 12 francs.
La Mode Illustrée, 14 janvier 1872 |
Nous voilà avec trois versions additionnelles du "corset en piqué anglais se fermant avec une ceinture" qu'on voyait en début d'article (ou ici aussi). Une variante de choses étiquettées ailleurs comme "corset paresseux" ou "corset du matin", que jusqu'ici je n'aurais pas envisagé de porter hors de la maison... comme quoi...
Je n'ai pas la planche des patrons mais on peut trouver certains des modèles présentés dans ce post chez Ageless Patterns. Avec autant d'instructions qu'ici, sans doute, ce sont de simples copies des patrons d'époque.
Je vous concocte à peu près une fois par mois
un petit best of de choses jolies et intéressantes à voir, surtout ici
et un peu ailleurs aussi. Pour le recevoir, c'est par là :