Retour d'exposition - La Mode Retrouvée, les robes trésors de la Comtesse Greffuhle au Palais Galliéra

Je suis un peu embêtée, parce que depuis que j'ai commencé à faire des critiques d'exposition sur ce blog, j'ai quand même descendu à répétition les expositions du Palais Galliéra - à part Paris Haute Couture qui était un bijou. Et encore, je vous avais dispensé ma critique de l'expo Dior Années 50. Bien embêtée parce que le musée de la Mode de la ville de Paris est capable de faire des merveilles - cf. Paris Haute Couture citée plus haut, mais aussi les Années 20 et Sous l'Empire des crinolines, qui avaient en plus des catalogues fabuleux. Et parce que je n'aime pas taper sur les musées, j'adore les musées, ils font (en général) un boulot fantastique avec des moyens honteusement réduits. Les musées seraient bien la seule chose capable de me donner envie de vivre à Paris de manière permanente - parce que par chez nous, l'offre culturelle est un poil plus limitée quand même.

Un pitch alléchant

L'idée de l'exposition est de présenter les tenues d'une figure de la très haute société, dont le musée possède via plusieurs legs de nombreuses pièces. On nous promet de très belles pièces, du luxe, de la haute couture, et un panorama de la mode des années 1880 aux années 1930.
Robe de réception, Jean-Philippe Worth, 1898
Robe de réception, Jean-Philippe Worth, 1898
Ayant déjà eu l'occasion de voir de près la robe verte en velours ciselé de Worth fils, je suis plutôt alléchée à l'idée de voir des merveilles du même acabit.
Un peu agacée quand même à l'idée de voir (une fois de plus) un musée se focaliser sur la mode des riches et puissants, mais espérant à ce stade que les pièces présentées sauraient le compenser.

Une exposition réduite

La première chose qui frappe hélas, c'est que niveau quantité de pièces, c'est très léger par rapport à ce que l'on avait pu voir par le passé. 50 pièces, en comptant éventails, bas, chaussures, cravates et chapeaux, ça fait peu.
Certaines périodes sont mises à la portion congrue en conséquence ; une seule robe des années 1880, une seule robe 1910. Même sort pour certaines parties de la garde-robe - on ne vous montrera pas de lingerie, que du qui-brille.
Robe du soir, Worth, vers 1896

La scénographie laisse de grands espaces libres, on a l'impression qu'on a chercher à meubler avec... des croquis ? (pas fantastiques) des monotypes modernes ? (pas mieux) Je n'ai pas vraiment saisi l'intérêt de leurs petits cadres semés le longs des murs inoccupés. Un quart de la première salle est consacré à une vidéo de deux minutes, format géant, de la comtesse minaudant pour la caméra - un parfait édifice à la gloire de Sa Grâce, mais là encore, je cherche le véritable intérêt pédagogique qui justifie une telle mise en avant.
J'ai eu la sensation qu'on avait préféré faire une mise en scène pour faire vibrer la fibre émotionnelle et forcer l'identification à la comtesse, plutôt que de profiter de l'espace pour offrir un meilleur accès aux pièces.

Une ergonomie... mauvaise. Voire pire.

Là je suis très très fâchée. J'ai déjà eu lieu de me plaindre des cartels mal placés, mal éclairés - par exemple pour l'exposition Lanvin, mais certaines parties de l'expo Les Années 50 avaient le même souci. Mais cette fois-ci c'était vraiment le pompon !
Les cartels sont placés au sol le plus souvent, de telle sorte qu'on leur fait fatalement de l'ombre en se penchant pour les lire - parce qu'il faut se pencher, et beaucoup ! Les polices sont assez peu lisibles, c'est imprimé en noir sur un beige rougeâtre assez foncé. C'est simple : je n'ai pas pu les lire moi-même. Heureusement j'étais accompagnée d’une amie qui a 10/10 aux deux yeux... et qui  est ressortie avec la migraine ! Sérieusement ? Je pense que je serais prête à pardonner beaucoup de choses à cet exposition, mais la combinaison à ce point foireuse des textes et de l'éclairage, c'est tout simplement honteux !
Dans la rubrique de l'éclairage, nous avons aussi eu le grand texte sur le mur tout simplement pas éclairé, le fait de faire de l'ombre sur les pièces elles-mêmes en nous approchant pour mieux voir, et le dos de la magnifique robe à tournure... dans le noir.
La seule et unique robe à tournure, une tuerie dont je n'ai pas vraiment vu le dos, vers 1885
Comme je le disais plus haut, l'accès aux robes n'est pas fantastique non plus, certaines sont placées à deux mètres ou plus du visiteur, ce qui est très très frustrant quand comme moi on aime s'attarder sur les détails. C'est encore pire quand la face la mieux éclairée est celle qui est le moins intéressante. C'était particulièrement critique sur certaines robes noires des années 1930, où on ne distinguait vraiment pas grand chose. Je me suis glissée avec ma comparse entre certaines estrades, et me suis beaucoup contorsionnée pour distinguer des bouts de certaines robes, dont la fabuleuse robe 1910 en tulle noir pailleté de violet, sans trop de succès. C'est frustrant, frustrant, frustrant !

Une mise en scène qui oublie la pédagogie

Je répète là encore un reproche que j'avais eu à l'égard des expositions sur Lanvin et Balenciaga : je suis ressortie en ayant vu de belles choses, mais pas plus maline pour autant.
L'exposition prend le parti de n'exposer qu'une sélection des robes de la comtesse. Et sans fil conducteur chronologique. Du coup (et je en suis pas la seule à formuler ce reproche), il en ressort une impression de juxtaposition sans logique apparente. On ne voit ni vraiment l'évolution de la mode, ni de comparaison entre le luxe des toilettes de la comtesse et ce que pouvait porter une femme moins fortunée. Difficile aussi de voir la comtesse en pionnière de la Mode quand on ne vous présente pas de point de comparaison.
"Robe byzantine", Worth, vers 1904
"[...] fascinante jusqu’à l’éblouissement, dans une sensationnelle toilette d’impératrice  byzantine : robe de brocart d’argent couverte d’artistiques broderies à reflets nacrés rehaussés d’or et de perles fines, ourlée d’une bande de zibeline. Splendide collier de chien et sautoir en perles fines. Immense chapeau en tulle argent bordé de zibeline, avec, de chaque côté, de volumineux Paradis, entre lesquels se dressait droit et fier, un énorme diamant brillant comme une grosse larme de joie irisée de soleil [...]"
La Femme d’aujourd’hui, décembre 1904

La robe portée au mariage de sa fille est certes présentée dans un écrin pour elle seule, mais il manque un point de repère contemporain pour réaliser à quel point la mère vole la vedette à sa fille avec cette tenue.
En filigrane, la scénographie traduit bien la mise en scène qu’opérait la comtesse avec sa garde-robe. Mises en abyme, jeux d'estrades, correspondances entre photos et robes, et même un assez macabre sarcophage pour une robe 1895 dans l'avant-dernière salle. C'est plutôt réussi, même si je trouve dommage qu'on n'adresse clairement le narcissisme et le jeu sur l'image que sur la fin de l'exposition.

Des robes et costumes superbes

Bah oui, il faut quand même le dire : il y a de très très belles choses. Surtout si vous êtes sensible au qui-brille ou au noir et blanc.
J'ai du passer un temps fou à regarder de près la robe byzantine ci-dessus et à m'émerveiller sur travail de broderie sur le tulle. Idem pour la robe verte entièrement plissée à l'autre bout de la première salle. Les raccords (presque mais pas tout à fait) parfaits de la robe en velours ciselé. Les découpes sur la robe en velours bleu nuit qui enfoncent tout ce que j'ai vu en la matière.
Robe du soir à transformation et à deux corsages, Beauchez, vers 1900
Mais où est le second corsage ? A quoi ressemblait-il ?
La comtesse Greffuhle avait du fric pour se payer le top du top, et ne s'en privait pas, du coup il y a de très belles choses à voir.
Le catalogue est à un prix raisonnable, avec pas mal de photos, et le musée propose aussi un deuxième catalogue plus petit à un prix très réduit qui semble plutôt bien ficelé aussi. Si vous cherchez plus de photos, le grand reste abordable (37 euros). Ce que j'ai survolé des textes reste pas mal dans la ligne de l'histoire romancée de cette chèèèère comtesse.

Une exposition que je recommande... avec de grosses réserves

Je suis d'un avis beaucoup plus mitigé que pour les précédentes expos du Palais Galliéra. Lassée d'être mal à l'aise avec les cartels et les éclairages. Fatiguée de voir une Histoire de la Mode cent pour cent bling-bling (au fait, les legs autour de la comtesse comportaient aussi une quantité phénoménale de livrées de serviteurs, ça aurait été intéressant à voir, ça aussi !). Je soupçonne que retrouver les mêmes sources d'agacement d'expo en expo, ça finit par user.
Est-ce que je vous conseille cette exposition ? Ça dépend. Si vous êtes accro à tout ce qui a trait au costume historique. Si vous avez 8 euros à passer sur une expo pas très très grande. Si vous êtes sensibles à Proust et à l'optique très émotionnelle de la présentation. Si vous avez le temps et pas d'autre exposition plus intéressante à aller voir.


Exposition La Mode Retrouvée, les robes trésor de la Comtesse Greffuhle, du 7 novembre 2015 au 20 mars 2013 au Palais Galliéra.
Ouverture du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu'à 22h.

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