La chemise, en pratique
"Oui, ils sont d'une élégance inénarrable, ces dessous des toilettes actuelles, pour lesquels on emploie l'art le plus raffiné et le plus artistique et dont on ne pare un peu la femme que pour la rendre plus décolletée et masquant un peu moins le corps, que l‘on cherche bien plus à orner qu'à recouvrir. "This is my post for the fourth challenge of the Historical sew Fortnightly : Embellish. Scroll down for pictures of the finished chemise and the short english recap, or click on the top right of the page for Google translation.
La Mode Nationale, 1er juin 1895
Comme promis, voilà le troisième article sur le linge de corps des années 1890. Je vous renvoie aux posts précédents, l'intro, puis la théorie de la chemise, plus détaillé.
Juste à temps pour l'épisode 4 du Historical Sew Fortnightly, Embellish, j'ai fini ma version d'une chemise de jour mi-1890's. Autant le dire tout de suite, j'ai eu un raté de patronage, une modification de dernière minute du devant que je n'ai pas reportée sur l'arrière, du coup l'arrière est légèrement trop grand. Ca ne se verra pas sous le corset mais ça me chagrine.
Chemise du Metropolitan Museum of Art 1900 - 1903, USA |
J'ai fait avec ce que j'avais dans mon stock, à savoir un mélange coton/polyester (coton largement majoritaire, je vous rassure) blanc très fin, et de la broderie anglaise - mécanique mais suffisamment fine pour faire illusion.
Ma première chemise, je l'ai faite en Bomull du marchand de meubles suédois - ben ça n'est pas vraiment l'épaisseur qu'on constate sur les pièces d'époque. Malheureusement j'avais le choix entre finesse et tenue, j'ai choisi la finesse, au détriment de la régularité de mes coutures rabattues. Prochain upgrade : trouver un lin vraiment fin et régulier comme celui de la chemise de gauche.
Le design
Ma première chemise, je l'ai faite en Bomull du marchand de meubles suédois - ben ça n'est pas vraiment l'épaisseur qu'on constate sur les pièces d'époque. Malheureusement j'avais le choix entre finesse et tenue, j'ai choisi la finesse, au détriment de la régularité de mes coutures rabattues. Prochain upgrade : trouver un lin vraiment fin et régulier comme celui de la chemise de gauche.
En dernière minute, convaincue par la quasi-omniprésence de dentelle sur les pièces de musées, j'ai décidé de rajouter une petite dentelle au bord de la broderie anglaise. J'ai trouvé une presqu'imitation de Valenciennes (100% pas naturel, malheureusement), que je vous ai déjà montrée dans mon dernier post du jeudi.
Le design
En haut à gauche, bandes brodées assemblées en plastron La Mode Illustrée, juillet 1896 |
Met Museum, 1880, USA Autre exemple d'utilisation de bandes brodées |
- longueur juste sous le genou ;
- pas de manches, juste une bordure de broderie et dentelle ;
- pas de système de fermeture, ça s'enfile juste ;
- encolure carrée devant, arrondie derrière ;
- chemise relativement ajustée, resserrée devant par des plis religieuse ;
- déco à base de bandes de broderie anglaise assemblées ;
- bordure de (pseudo-)Valenciennes à l'encolure et aux emmanchures.
Plis religieuse verticaux à la taille - j'ai repris la broderie centrale aussi La Mode Illustrée, février 1893 | Met Museum, 1887 La version live | Autres plis religieuse La Mode Illustrée, juillet 1893 |
Pour ce qui est de la manière de coudre la chemise, je me suis penchée sur la pièce ancienne de ma mince collection, et sur des manuels de couture victoriens et edwardiens - pas exactement de la période en question, mais d'avant et d'après, ce qui m'a donné une idée approximative.
Fais-moi le modèle...
J'ai donc une chemise ancienne (merci Maman), que j'ai regardée littéralement sous toutes les coutures. Je ne saurais pas trop la dater, j'ai retrouvé la forme dans un texte de 1875, j'en ai vu des pièces de musée datées autour du tournant du siècle... La broderie blanche me laisse penser que c'est plutôt la seconde option - mais ce n'est qu'une hypothèse. La chemise étant neuve, je n'ai même pas de marques d'usure pouvant donner des indices sur la forme du corset.
C'est un patron assez basique, sans manches, avec une broderie blanche |
Un ruban "de fil" (un ruban de sergé de lin, mais beaucoup plus souple que ce que l'on trouve actuellement dans le commerce) est appliqué à l'intérieur de l'encolure et des emmanchures. Mes Leçons de couture de 1875 recommandent la même manœuvre. Je ne l'ai pas fait pour ma chemise, jugeant que la broderie anglaise en droit fil qui fait la déco remplit grosso modo le même usage - empêcher une ouverture taillée dans le biais de se déformer.
A droite, une couture qui a servi à piécer la pièce de devant. Les deux lisières (très propres, très fines, on ne trouve plus aussi joli !) sont assemblées par une simple couture droite. A gauche, la couture d'assemblage de l'avant et de l'arrière, qui est rabattue. Toutes les coutures sont faites à la machine, à très petits points (1,5 à 2mm). 3 millimètres la couture rabattue !
A l'épaule, on a fait par contre une couture à l'anglaise - très fine là encore, à peine 2mm de large ! Elle a l'air rabattue de loin, car elle est plaquée par le ruban de chaque côté, du coup je n'avais pas réalisé au premier coup d'oeil que ce n'était pas une couture rabattue aussi.
Pour le bas, dont j'ai oublié de prendre une photo, on a simplement retourné deux fois le tissu et fait un ourlet de deux centimètres de large, à la machine et à tous petits points là encore.
Les points
Après une crise existentielle "rhah mais est-ce que les coutures à l'anglaise c'est bien histooooo ???"*, qui est évidemment arrivée alors que j'avais déjà assemblé la moitié du truc, je me suis retrouvée avec la combinaison suivante :
Leçons de couture, Emmeline Raymond, 1875, p. 26 |
- points glissés pour assembler ensemble les bandes de broderie, et la broderie et la dentelle. Après quelques tâtonnements, j'ai trouvé le rythme pour que la dentelle soit très légèrement froncée, sans utiliser de fil de fronce pour autant (une étape de moins, pfiou)
- points de surjet pour les bords intérieurs des broderies sur l'empiècement (visibles à droite, en haut)
- surjet roulé pour les fronces sous l'empiècement devant (itou, en bas ; schéma à gauche)
- couture rabattues (ou "couture ourlée", selon le terme de 1875) sur les côtés - rabattues à la main et pas très très régulièrement, je n'ai pas réussi à faire mieux avec mon tissu tout mou et ça m'éneeeeerve ! Dressmaking up to date de Butterick recommande en 1905 de rabattre la couture avec le plus fin des pieds ourleurs de la machine... une piste à tester la prochaine fois !
- coutures à l'anglaise pour les épaules, et pour assembler la broderie à l'encolure et aux emmanchures
- l'ourlet est identique à celui de ma chemise ancienne, mais fait seulement 1cm1/4 de large, comme recommandé par Emmeline Raymond
Leçons de couture, E. Raymond, p. 19 |
"on coud une deuxième fois cette pièce à l'envers du corps de la chemise, exactement comme on l'a cousue l'endroit"... ce que j'ose interpréter comme une couture à l'anglaise.
Butterick (op. cit), tel que réédité par Kristina Harris sous le titre Authentic Victorian Dressmaking Techniques (c'est edwardien au final mais osef), propose une technique légèrement différente :
Ensemble de linge de corps, 1898, USA Metropolitan Museum of Art |
"No raw edges of material are left at the seams in this class of work; every seam is either a French seam or is felled. The French seam is used at what may be called the 'regular seams" - those joining the breadths of the garment or the front and back portions together [...] - but when the seam is fo the purpose of adding width to a breadth, as is sometimes necessary in cutting drawers or any garment for which the material provided is not quite wide enough for a breadth of the pattern, a fell seam is made."Après coup, j'ai découvert un set de lingerie de 1898 au Met qui m'avait échappé, qui présente une manière intéressante de fixer les dentelles pour un vêtement qui doit résister à de nombreux lavages : la dentelle est assemblée depuis l'intérieur du vêtement. Les valeurs de couture, qui se retrouvent donc à l'extérieur, sont recouvertes d'un ruban "de fil" - on le voit en zoomant un max.
"Aucun bord n'est laissé à cru dans ce type de travail [= le linge de corps] ; toutes les coutures sont soit des coutures à l'anglaise, soit rabattues. La couture à l'anglaise est utilisée pour ce que l'on appellerait les "coutures normales" - celles qui assemblent les pièces d'un vêtement, ou les parties avant et arrière [...] - mais quand la couture sert à élargir une pièce, comme c'est parfois nécessaire pour couper des pantalons ou tout autre vêtement pour lequel la largeur du matériau fourni n'est pas tout à fait suffisante pour une pièce du patron, on fait une couture rabattue."(p. 105)
Les photos ! Les photos !
Oui parce que bon, au final je parle d'un truc que j'ai fait sans le montrer, là, non ? Le petit paragraphe récapitulatif d'abord.
The Challenge : HSF 4 - Embellish - Décorer
Tissu - Fabric : mélange coton/polyester, du stock - cotton/polyester mix, from the stash
Patron - Pattern : moulé sur Catelyn - self draped on Catelyn
Année - Year : 1893-1898
Mercerie - Notions :
2,5m de broderie anglaise, 3,5m de dentelle synthétique, fil polyester - 2,5m eyelet lace, 3,5m synthetic lace, polyester thread
Histo ou pahisto ? - How historically accurate is it ?
L'idée est de faire une reconstitution visuellement et techniquement plausible. L'authenticité pêche bien sûr par les matériaux, oui, je l'avoue, et je l'assume, j'ai fait la version "petit budget, pour tout de suite".
I wanted to reconstruct something that would be visually and technically believable. The materials are not authentic, I fully aknowledge that, I chose the "I want it cheap, I want it now" this time.
Temps - Hours to complete : Aucune idée... longtemps. Entre le patronnage, les assemblages de dentelle et de broderie, les plis religieuse, la broderie entre les plis religieuse, les coutures rabattues à la main... - unknown... a lot. There was patterning, assembling the lace and the strips of eyelet lace, the pintucks, the embroidery between the pintucks, the hand-felled seams...
Porté pour la première fois - First worn : pas encore - not yet
Coût total - Total cost :
De mémoire, le tissu était à 3 euros le mètres, j'ai du en passer 1m50 - soient 7,50€. Je crois que la broderie anglaise est un héritage, donc zéro. La dentelle était à 0,90€/m ou quelque chose comme ça - 2,95€ à la louche (je n'ai pas mesuré précisément, il m'en reste pour le pantalon assorti). Plus le fil que l'on dira quantité négligeable pour cette fois. Ce qui nous amène à 10,45€. On fait pire.
I think I remember the fabric costing 3 euros per meter - and I think I used around 1m50, so 7,50€. The eyelet lace I think I inherited from someone - thus free. The lace was 0,90€/meter - around 2,95€ (I didn't measure exactly how much I used, I have some left for the matching drawers). Total cost 10,45€. Could be worse !
Quelques détails. J'ai fait quelques mini-pinces dans la broderie dans le dos pour lui faire épouser la courbe de l'encolure - a few detail shots. I had to take a few small tucks in the lace at center back to make it lie flat.
Et pour conclure...
Pour les photos de ma chemise ancienne et de la nouvelle, c'est sur mon FlickR.
Pour les gravures anciennes de ma collection personnelle, c'est sur mon site.
Pour la collecte d'images et surtout de photos de pièces anciennes, c'est sur mon Pinterest.
Le tout étant naturellement un travail en perpétuelle expansion ;) On se revoit pour la suite : le pantalon qui va avec !
*oui, ça y est, je me fais ma réputation de puriste-ayatollah. Je sais, mais c'est ma chemise, na ! :
**oui, je fais ma puriste, j'assume !
I wanted to reconstruct something that would be visually and technically believable. The materials are not authentic, I fully aknowledge that, I chose the "I want it cheap, I want it now" this time.
Temps - Hours to complete : Aucune idée... longtemps. Entre le patronnage, les assemblages de dentelle et de broderie, les plis religieuse, la broderie entre les plis religieuse, les coutures rabattues à la main... - unknown... a lot. There was patterning, assembling the lace and the strips of eyelet lace, the pintucks, the embroidery between the pintucks, the hand-felled seams...
Porté pour la première fois - First worn : pas encore - not yet
Coût total - Total cost :
De mémoire, le tissu était à 3 euros le mètres, j'ai du en passer 1m50 - soient 7,50€. Je crois que la broderie anglaise est un héritage, donc zéro. La dentelle était à 0,90€/m ou quelque chose comme ça - 2,95€ à la louche (je n'ai pas mesuré précisément, il m'en reste pour le pantalon assorti). Plus le fil que l'on dira quantité négligeable pour cette fois. Ce qui nous amène à 10,45€. On fait pire.
I think I remember the fabric costing 3 euros per meter - and I think I used around 1m50, so 7,50€. The eyelet lace I think I inherited from someone - thus free. The lace was 0,90€/meter - around 2,95€ (I didn't measure exactly how much I used, I have some left for the matching drawers). Total cost 10,45€. Could be worse !
Vue générale - general view
Quelques détails. J'ai fait quelques mini-pinces dans la broderie dans le dos pour lui faire épouser la courbe de l'encolure - a few detail shots. I had to take a few small tucks in the lace at center back to make it lie flat.
Ouaip, je n'ai pas réussi à faire aussi bien que mes ancêtres, deux millimètres de trop** - Nope, I'm not as good as my ancestors were, my felled seam is two millimeters larger than the original one, and not even that straight.
Et pour conclure...
Pour les photos de ma chemise ancienne et de la nouvelle, c'est sur mon FlickR.
Pour les gravures anciennes de ma collection personnelle, c'est sur mon site.
Pour la collecte d'images et surtout de photos de pièces anciennes, c'est sur mon Pinterest.
Le tout étant naturellement un travail en perpétuelle expansion ;) On se revoit pour la suite : le pantalon qui va avec !
*oui, ça y est, je me fais ma réputation de puriste-ayatollah. Je sais, mais c'est ma chemise, na ! :
**oui, je fais ma puriste, j'assume !