Balenciaga, collectionneur de migraines

Les tiroirs ! Les tiroirs maudits !
L'affiche était superbe : Balenciaga et sa collection de textiles anciens. Elle n'était pas sans rappeler l'exposition Lacroix au Musée des Arts Décoratifs. Pour être tout à fait juste, je dois bien dire que le Musée Galliéra expose là des pièces superbes, tant récentes qu'anciennes. Voilà, le positif : j'ai bavé sur un certain nombre de très belles pièces.
Pour le négatif... je suis déçue. D'autant plus déçue que les précédentes expos que j'avais vue à l'époque au Palais Galliéra m'avaient marquées par leur qualité, leur taille et l'impeccablee présentation des pièces.
Déçue d'abord par la taille de l'exposition. Les publicités que j'en avais vues laissaient présager quelque chose de plus grand et plus fourni. Une seule salle, c'est un peu court pour présenter à la fois un couturier de la pointure de Balenciaga et ses inspirations historiques.
Fortement déçue, aussi, par la pédagogie, ou plutôt par son absence, tant dans la présentation des pièces que dans les textes qui les accompagnent. Les grands paragraphes « introductifs » (dont certains sont situés après les pièces qui les illustrent... concept)... je vous avoue, je cherche encore ce qu'ils apportent à l'exposition en terme de contenu factuel et d'information véritable. Par contre, ils sont (pouet-)pouétiques, un poil grandiloquents. Un gros poil. Voire une touffe. J'ai regretté, notamment, l'absence d'un de ces châles empire dont parlaient les descriptions. Absente aussi, la définition du sablé à côté de la (superbe, sublime, parfaite !) paire de mules de la première moitié du XVIIIe – pour toi lecteur, qui n'a pas comme moi le bénéfice de la présence d'une spécialiste juste à côté de toi pour te compléter les légendes, ces petites perles minuscules là, sur le dessus de la mule, qui font le dessin, sisi, regarde, ce sont bien des mini-micro-rikiki-perles, c'est ça du sablé. Regrettée aussi, l'absence d'une robe à la française en pendant de la robe rose de Balenciaga avec ce pli si caractéristique sur toute la longueur du dos – globalement, j'ai eu l'impression de contempler une juxtaposition de pièces, certaines du couturier lui-même, certaines issues de sa collection personnelle, sans que, dans beaucoup de cas, le lien ne soit fait entre les deux. Il y avait là de quoi faire une exposition passionnante et au final, j'en suis ressortie sans en savoir plus sur Balenciaga, l'histoire du costume, ou la haute couture. Je parle de la haute couture car j'aurais aimé aussi en savoir plus sur les techniques de dentelles, d'appliqués, de broderies de paillettes et de décorations textiles que l'on retrouve sur les différentes pièces exposées. J'aurais voulu voir de plus près cette robe dont l'exposition montre des schémas techniques d'assemblage – ne serait-ce qu'une photo !
Ceci dit, j'aurais quand même passé, en dépit des remarques précédentes, un bien meilleur moment si l'ergonomie de l'exposition avait été un peu mieux étudiée. Difficile d'admirer sous tous les angles et sans gêne des pièces placées trop haut – pour ma tête qui culmine « seulement » à un mètre soixante-dix-huit - , en grande partie de profil – le dessous de l'aisselle, un angle tellement naturel pour admirer une robe ! La palme(tte) revenant aux fichus 1860 et 1840 présentés sur cintre (mouaif...) et face au visiteur... Mais, le motif, la déco, ils sont – dans la dos !
Là, je dois commencer à avoir l'air vraiment méchante, mais vraiment, le pire, c'étaient les tiroirs. Au fait, était-il prévu que les visiteurs les déplacent ou non ? Ils étaient mobiles, mais pas trop – impossible de voir certaines pièces entièrement, elles restaient cachées sous le tiroir supérieur. Mention spéciale d'énervement pour les pièces pliées-serrées (j'aurais tué pour voir le jupon 1900 rayé étalé dans toute sa largeur) , les mentions de détail invisibles (« velours brodé de motifs de papillons » sur un manteau 1900... très très noir... ?), et surtout, surtout, pour la migraine ophtalmique carabinée déclenchée par toute la première moitié de l'exposition, presque intégralement noire. Oh, du noir avec des variantes, des broderies, de la dentelle, des perles, des applications, du velours... Le tout soigneusement isolé de nos papattes grassouillettes et du café de notre voisine de visite* par une [mip] de [mip] de [mip] de vitre brillante. Avec des lumières presque (mais pas tout à fait non plus) à la verticale. Impeccablement faites les vitres, d'ailleurs, comme j'ai pu le constater pendant que je me contorsionnais, un cahier à la main pour tenter de bloquer les reflets et d'admirer en-dessous un boléro en entrelacs de perles replié sur lui-même et sur une substance transparente et semi-miroitante. Je suis incapable de dire à quoi ressemblait le boléro au final, à part « euh, ça avait l'air de briller ». Par contre je sais désormais à quoi ressemble l'image miroir de la couverture de mon cahier. Autant vous dire que pendant la deuxième moitié de l'expo, mon regard morne a glissé sur toutes les pièces noires sans chercher à en distinguer les détails.
Allez, on va se rattraper avec la catalogue, pas vrai ? Epic fail. Dans le catalogue, toutes les pièces (qui sont présentées, et il en manque un bon paquet) sont photographiées à plat, non mannequinnées, voire dans les fameux tiroirs-chéris-de-mon-cœur. Encore moins bien que dans l'exposition, il y a une veste d'homme andalouse dont on voit à tout casser 10 centimètres.
Et tant qu'on y est, une petite mention pour l'expo voisine de Comme Des Garçons. Là je me suis sentie très très mal voyante. C'est vrai que je suis fortement fortement myope, mais je suis en général capable d'exécuter seule les tâches d ela vie quotidienne comme lire, taper sur mon ordinateur, aller au cinéma ou conduire. Je ne suis pas vraiment habituée à avoir besoin d'aide pour lire les légendes d'une exposition... Allez, je vous l'accorde, je pouvais en lire un bout : les numéros !

Expositions Balenciaga, collectionneur de mode et Comme des Garçons, Musée Galliéra Hors les Murs, Cité de la mode et du design, 34 quai d’Austerlitz dans le 13e à partir de vendredi 13 avril jusqu’au 7 octobre prochain. Du mardi au dimanche de 10h à 18h (sauf jours fériés)

*Oui parce que visiblement, en plus de pouvoir photographier du Balenciaga (qui est, rappelons-le, toujours couvert par le droit d'auteur), voire se prendre en photo devant du Balenciaga, parce que ça fait plus stylé que de regarder les détails de l'expo, on peut rentrer avec un café à la main.

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