Pantalon fendu - ou pas

Pantalons fermés avec demi-ceinture
La Mode Illustrée
, juillet 1893
Je l'avais promis il y a un moment, mais s'il y a une chose que j'ai retenue de 2013, c'est que les choses ne se cousent pas toujours comme prévu... surtout les projets persos, et c'est très bien comme ça !
Donc après un détour par le jupon, enfin, j'enchaîne sur le pantalon assorti à ma chemise. En espérant sauver un peu de dentelle pour le cache-corset, ce serait cool.
"Toute élégante qui prétend se composer un trousseau conforme en tout point aux règles et aux exigences de la mode actuelle, aura ce qu’on appelle « le jeu complet »; c'est-à-dire que la chemise de jour, le pantalon, le cache-corset, la chemise de nuit, seront pareils. "
La Mode Illustrée, 4 juin 1896
Non, la chemise de nuit, j'y crois pas, faudra trouver une autre dentelle... Pour la décoration, je vais rester dans le style de ce que j'ai fait sur la chemise, et je vous renvoie donc au deuxième post de la série qui résume ce qu'il y a à savoir sur les techniques employées pour ornementer le linge de corps.

Un mot d'ordre

Corset Au Bon Marché, années 1890
via Augusta-Auctions
Je reviens sur un point dont j'ai déjà parlé précédemment : le pantalo, ça se porte où ?
Je reviens sur la petite illustration que j'avais postée en tout début de projet : à la reregarder à la loupe (oui, elle est petite), on peut y voir le pantalon porté (je crois) juste en-dessous d'un corset qui descend peu sur les hanches. Suffisamment bas pour qu'on enlève le pantalon sans dégrafer le corset - moi qui n'ai pas porté de corset  chaque jour depuis des années, je ne suis pas sûre d'avoir le gras réparti de manière correcte pour le faire.
J'aurais tendance à nuancer donc ce que je disais précédemment sur l'ordre de porte des dessous, en considérant comme du domaine du possible l'ordre chemise-pantalon-corset et chemise-corset-pantalon. D'ailleurs, je ne sais pas dans lequel de ces deux sens interpréter cette petite phrase :
"[Le pantalon] se fait aussi plat, aussi collant que possible et se place très bas, sous l'agrafe du corset"
La Mode Illustrée
, 31 décembre 1893
"L'agrafe" désigne-t-elle le busc ou le petit crochet sur le devant ?
vic
Pantalon, vers 1860Underwear Fashion in Detail,
V&A Publishing, p. 21
buchderwaesche
Illustration extraite de Das Buch der Wäsche,
B. Hochfelden & M. Niedner,
parution originale 1905
On trouve quoi qu'il en soit des traces indiquant que certaines portaient le pantalon par-dessus le corset ou entre la chemise et le corset - cf. à gauche la petite fente sur le devant de la ceinture du pantalon de la reine Victoria, prévue pour faire passer le crochet du corset.
Et l'illustration de droite, qui date elle de 1905 - c'est la seule de l'ouvrage qui représente les pantalons portés, et elle les présente soit sur le corset, soit sur la chemise.
Voilà, c'est dit. Malgré toute ma bonne volonté, je n'ai pas trouvé une source pour justifier sur la période (et un peu plus large même) le fait de porter le pantalon sous la chemise. Donc maintenant, chacune fait ce qu'elle veut et je n'irai pas vérifier, mais dès qu'on part dans la démonstration, dans une optique pédagogique, ce serait bien de s'en tenir à ce qui est sourcé. [fin de la diatribe puriste]
Jupon de soie, probablement français,
fin des années 1890
On voit bien la boutonnière à la ceinture.

Met Museum

Pour la forme

Je vais commencer par les citations bien comme il faut...
"Le pantalon a subi, lui aussi, d'assez grandes modifications : le haut ne se monte plus à une ceinture; simplement replié, de manière a former coulisse, diminué par une série de petites pinces [...]. Les jambes s'arrêtent au-dessus du genou; au lieu d'être serrées dans le bas par un poignet (forme zouave), elles restent ouvertes droites, ou s'arrondissent en sabot et sont invariablement d'une extrême largeur. On y met, comme garniture, soit une ou deux broderies froncées, soit un petit volant de nansouk découpé en dents de feston et rehaussé d'une guipure basse ou dune petite valenciennes (nouveauté). Très souvent. on met au-dessus de ces volants un entre-deux de broderie à jour, dans lequel on passe un ruban de couleur qui fait transparent et se noue sur le côté."
La Mode Illustrée, 31 décembre 1893
"Les pantalons se font de plus en plus courts (63 centimètres) et très larges de jambes; le bas reste tout rond, ayant au bord, soit une dentelle froncée, soit un petit volant en batiste, monté à tête et rehaussé d’une dentelle basse. La forme sabot et la forme zouave sont tout à fait délaissées."
La Mode Illustrée, 4 août 1895
Jupon divisé, se fermant de côté,
La Mode Illustrée
, août 1895
"Les pantalons se font de plus en plus courts et de plus en plus larges, à ce point que chaque jambe a l’air d’un petit jupon. C’est dire que la forme zouave est abandonnée à peu près complètement. On arrondit volontiers le bas de la jambe en sabot ou bien, l’ampleur le permettant, on lui donne un petit mouvement de draperie, au moyen d’un groupe de fronces ou de quelques plis, faits au niveau de l’ourlet, à la couture interne et au point extérieur correspondant; mais la forme toute droite, tournant simplement autour de la jambe, est la plus adoptée; d’amples garnitures tombent au bord; ce sont généralement deux volants de batiste, festonnés ou rehaussés d’une petite valenciennes ou d’une dentelle de fil. Celles de nos lectrices qui ne sont point ennemies des raffinements subtils, se donneront le plaisir, si elles sont habiles ouvrières, de rattacher double volant a la jambe du pantalon, par un point à jour."
La Mode Illustrée, 4 juin 1896
Chemise et pantalon pour toilette de bal,La Mode Illustrée, décembre 1898
Comme on le voit, même à l'intérieur du même magazine de mode, on n'est pas trop d'accord d'un article sur l'autre sur ce qui est à la mode... Que les textes correspondent aux gravures ? Il faudrait peut-être pas demander la Lune non plus !.
La forme zouave si décriée et encore bien vivante sur les gravures, et le "jupon divisé" qui fait presque une "petite jupe", n'est pas si courant que ça (3 exemples dans tout ce que j'ai pu consulter de magazines).
Si l'on s'en tient aux gravures, représentés une palette de style pour le bas du pantalon - considérez que j'ai écrit "forme sabot" et pas "forme échancrée", je ne retrouvais plus le terme et je le cherchais partout sauf là où je l'avais rangé (à savoir un peu plus haut dans ce post) :
pantalons
Concrètement, la grande majorité des pantalons présentent une variation de la forme droite ou de la forme zouave. En guise de décoration, on trouve diverses combinaisons de plis religieuses (pas des masses quand même), jours, entre-deux de dentelle, volants de broderie anglaise (fréquents tous les trois), parfois volants de dentelle. Une petite poignée de modèles présentes des décorations verticales sur la jambe, entre-deux ou petits plis. On trouve aussi des modèles de garnitures au crochet pour pantalons. Plutôt que de me répéter, je vous renvoie à mon post sur la décoration de la lingerie pour plus de détails.

En haut du bas

Les ceintures sont elles aussi loin de disparaître. En fait, ce sont les pantalons sans ceinture qui semblent être en minorité, loin derrière les pantalons à "demie-ceinture" (ceinture devant uniquement), ceux à ceinture assez fine (de 2 à 4cm à vue de nez, parfois moins larges derrière que devant), et ceux à ceinture large, de 5 à 10cm environ, et coupées en forme.

Pantalons garnis
La Mode Illustrée, février 1893
Celui de droite est fendu,
celui de gauche semble l'être.
Bon et maintenant, je vous prie d'avoir un instant de commisération avec mes yeux et mon cerveau qui se sont main dans la main trituré les méninges pour comprendre comment ça ferme.
Pantalons ouverts ou fermés ? Je suis tombée sur un certain nombre de gravures qui indiquent explicitement des pantalons fermés (cf. la première illustration de ce post, et aussi ce modèle). Un autre certain nombre de gravure, comme celle de gauche, montrent un pantalon clairement ouvert à l'aine. Et puis un nombre tout aussi certain ne donne juste pas d'indications - mais même en considérant que chaque fois qu'il y a absence d'indications, le pantalon est un pantalon fendu, la proportion de pantalon fermés est non-négligeable !
Pantalons
La Mode Illustrée, juillet 1897
A g. : ouverture au milieu dos, sans doute fendu.
A dr. : ouverture sur les côtés, pas de fente apparente
Ouverture au dos ou sur le côté ? La répartition se fait, à la louche, pour moitié pour chaque solution. Soit le pantalon ferme  par un bouton sur chaque côté, soit il ferme au milieu derrière avec une coulisse et souvent aussi un petit bouton.
Jupon-pantalon, La Mode Illustrée, juin 1897
On voit aussi apparaître des ouvertures à l'aine munies de boutons, sur les combinaisons et sur le pantalon à gauche, ou bien un rabat boutonné sur les fesses par-dessus une ouverture au milieu dos - visible sur la même gravure à gauche. On retrouve aussi le rabat en question sur les combinaisons qui commencent à apparaître sur la fin de ma période d'étude. Il est d'ailleurs intéressant que ces deux types de fermeture apparaissent eux aussi sur la fin de la période, et que la jambe sur pantalon s'élargit en parallèle. On voit apparaître les formes classiques des pantalons du tournant du siècle.

Une fois effectué ce petit tour d'horizon du pantalon pendant la période "grosses manches", j'ai fait le choix de rester sur une des formes qu'on trouve plus en début de période, ouverte à l'aine, avec la jambe pas trop large et une fermeture au milieu dos - c'est une forme qui reste représentative de la période et qui est plus assortie à ma chemise (basée sur des références du début de la période) que les pantalons plus larges. La suite au prochain épisode, et en attendant, tous les posts sur le projet sont trouvables par là ou en cliquant sur l'onglet PGM en haut de la page !

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