Robe de bal Second Empire - quelques recherches
Après de nombreuses années à être réfractaire à la crinoline, j'ai été finalement convaincue par des gens de me lancer dans le costume Second Empire. En commençant par la robe de bal.
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La Mode Illustrée, 12 janvier 1868 |
Première étape : un peu de documentation.Je suis à la phase où je me plonge dans les magazines anciens pour trouver l'inspiration et une idée générale de ce qui se fait ou non. La rubrique "Modes" de La Mode Illustrée est souvent pleine de détails intéressants (en plus d'être assez hilarants à lire... So. Much. Pearl-clutching !)
MODES.Les bijoux dits de fantaisie offrent, parmi une foule de conceptions insensées, quelques objets jolis et gracieux. J'ai vu dans les bijoux or et acier (l'or, ou plutôt un métal doré, forme le fond de ces bijoux, tandis que l'acier est placé en guise de pierreries), j’ai vu, dis-je, de charmantes boucles d’oreilles, composées de plusieurs cercles de dimension inégale, coûtant, selon leur dimension, de 15 à 235 francs ; — des bandelettes pareilles pour les cheveux, des papillons assortis, en guise de broches, et des boutons de corsage; le prix de ces objets indique que leur durée ne peut être qu’éphémère. On ne se les transmettra pas de genérations en générations, mais ils sont jolis, en guise de fantaisie et de bijoux de jeune fille. Il y a en outre des ceintures entières de même composition, des annaux pour ceinture, également en métal doré... Mais, quant à ces deux derniers bijoux, je leur retire mon approbation ; ils s’en passeront, assurément... n’importe, je pourrai me rendre cette justice de ne pas accueillir avec une admiration docile et un enthousiasme complaisant toutes les élucubrations de la mode. Elle a aussi créé les passementeries noir et or, qui sont très jolies pour garnir des vestes d’intérieur, des sorties de bal, des toilettes de soirées, et s’emploient aussi dans les cheveux en guise de bandelettes. Tout cela se trouve dans les principaux magasins de mercerie de Paris, et en très-grande variété chez Henry, rue du Faubourg-Saint-Honoré, n° 5.
Petit partenariat commercial, ni vu ni connu.
J'aime bien le "boh c'est pas cher ça durera pas" mais allô 235 balles en 1868 c'est une somme ?!?
En ce moment on bouillonne le tulle dans tous les ateliers des couturières de Paris. Le tulle sur le satin: hors de la point de salut, excepté lorsqu’il s’agit des toilettes de jeunes filles, pour lesquelles on emploie toujours la tarlatane, le crêpe, surtout le crêpe lisse ; quand ces toilettes sont très élégantes, on les fait en tulle, mais sur une robe de dessous en taffetas. Les rouleaux continuent de composer la majorité des ornements de ces robes. Je citerai pour exemple de leur emploi une toilette très-simple et faite en tarlatane blanche, se composant de la robe de dessous en taffetas blanc, d’une première robe en tarlatane blanche, garnie sur son bord inférieur de bouillonnés disposés en ligne diagonale, et séparés par des lisérés en satin bleu clair. La hauteur générale, mais non totale, de cette garniture, était de 43 centimètres. Je m’explique: la garniture suivait sur la robe de dessous les contours très-capricieux de la robe de dessus, faite également en tarlatane, bordée d’une ruche et de deux biais en satin bleu. Moins longue que la première robe, de 30 centimètres environ, par-devant, cette robe s’échancrait sur les côtés de façon a être de 45 centimètres plus courte que la première robe, se rallongeait de telle sorte quelle n’avait plus que 10 centimètres de moins que la robe de dessous, s'échancrait de nouveau par derrière au milieu, de façon a être de 25 centimètres plus courte. La garniture de la première robe de tarlatane s'ajustait à la robe de dessus comme les pièces d’un casse-tête chinois, et s’arrangeait pour combler les vides causés par les sinuosités de la robe de dessus. Celle-ci avait au milieu, par derrière, sur son bord inférieur, un large nœud en tarlatane, garni comme la robe, et dont les pans n’étaient pas tout a fait aussi longs que la robe de dessus. Corsage décolleté (corselet) et manches si courtes, que les gants a trois et quatre boutons sont indispensables. Cela n’est pas joli, ce grand bras tout nu... mais je ne puis remédier a cet inconvénient, la mode exigeant les manches très-courtes.
Bon, c'est expliqué de façon tournicotée, mais ça donne une bonne description de garnitures pour robes habillées (donc oui, ça passe pour du bal). Je suis dans de grandes interrogations sur la tarlatane, parce que la tarlatane qu'on trouve actuellement, ça me semble très lâche pour faire une robe. Par contre c'est pas cher, et quand on voit le métrage nécessaire pour une robe à crinoline, ça devient sacrément intéressant. Si quelqu'une a vu de près de la tarlatane de 1860 et peut m'éclairer, je serai super-méga reconnaissante.
On porte beaucoup de colliers indiens, c’est-a-dire composés d’un grand nombre de rangs de perles étagés, se terminant tous sous un large fermoir, parfois remplacé par une petite baleine perpendiculaire, recouverte en soie, et soutenant les trois ou quatre agrafes nécessaires pour fermer ce collier; il est souvent très-léger, c’est-à-dire composé de filigrane d’or ou d’argent, et on le porte même sur des corsages montants ; la première rangée est presque juste au cou; les autres vont en s'allongeant, et la dernière... dame ! la dernière tombe parfois sur la ceinture. Inutile d’ajouter que l’on n'est pas obligée de se conformer a ce programme, et qu'il est loisible d’arrêter cette cascade dorée beaucoup plus haut.
Encore une salve de "les bijoux clinquants c'est d'un vulgaire-han".
La majorité, je devrais dire la totalité des ornements attribués aux robes de bal, se compose de petits volants ruchés, rehaussés par une bande étroite, —de bouillonnés, — de rouleaux en taffetas ou satin ; peu de dentelles, j’entends de dentelles larges;. beaucoup de ceintures faites en cordons de fleurs. On voit aussi une énorme quantité de robes entières en dentelle noire ou blanche, sur robes de dessous en taffetas ou satin.
Ah, un paragraphe explicitement sur les tenues de bal et leurs matières. Pas de gros volants de dentelles en 1868, mais des petits volants froncés, des bouillonnés, ou des rouleaux. Pas vu une seule ceinture en cordons de fleurs dans les gravures donc je n'ai aucune idée d'à quoi elles ressemblent, hah !
Bon sinon on a du choix dans les corsages décolletés - corsages à manches courtes, qui découvrent le cou et le haut des épaules, portés principalement en bal.



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La Mode Illustrée, 1868 |
J'avoue l'emploi de la percale pour une tenue de bal me surprend. Je m'attends plutôt à des matières nobles tendances brillantes, ou à la limite du transparent posé par-dessus du qui-brille. En gros, du taffetas ou du satin de soie, éventuellement avec dessus de la gaze ou cette fichue tarlatane.
Du coup, percale, ça me fait plutôt penser à une base de corsage qu'on irait ensuit recouvrir de dentelle ou de gaze, mais ce n'est pas mentionné dans le texte. Ceci dit plus loin j'ai trouvé un autre exemple de corsage coupé dans un tissu pas ouf, avec dessus des détails plus fancy :
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La Mode Illustrée, 26 janvier 1868 |
Ce corselet est fait avec du galon noir, en soie, ayant un demi-centimètre de largeur, brodé en perles de jais ; du ruban noir en moire, ayant 3 centimètres 1/3 de largeur, de la dentelle noire ayant 2 et 4 centimètres de largeur, brodée en perles, des boutons et des grelots de jais, sont employés pour orner le corselet.Les. Petits. Grelots.
On coupe en mousseline roide 2 morceaux d’après la figure 48, le dos entier d’après la figure 49, qui en représente seulement la moitié ; on fait les pinces de la poitrine, on assemble tous les morceaux en réunissant les chiffres pareils. Sur ce patron on dispose le galon (dos et devants d'un seul morceau), en suivant les lignes. treillasées en partie indiquées sur le patron ; on fixe les galons à chaque point de jonction. Le côté supérieur du corselet est bordé avec un ruban de moire ayant 1 centimètre de largeur, auquel se rattache la plus étroite des 2 dentelles; on borde les entournures de la même façon, mais cette fois on attache la dentelle large. Le bord inférieur est pris entre le dessus et le dessous d’une ceinture en moire, ayant 3 centimètres 1/2 de largeur, recouverte avec la dentelle large ; sur l’autre côté de la ceinture on fixe les pattes (qui ont chacune 40 centimètres de largeur et sont faites avec le ruban de moire) en consultant la disposition indiquée par le dessin ; le bord inférieur de chaque patte est coupé en triangle et orné de grelots, en outre ces pattes sont brodées avec des perles sur leurs côtés longs; des boutons ronds, en jais, fixent les pattes deux par deux : les agrafes fermant la ceinture sont cachées par un chou fait en ruban de moire, et brodé avec des perles.
Je vous laisse sur une dernière image de robes de bal de 1868 - je n'ai pas encore fini de numériser mes trouvailles de cette année-là, et j'ai d'autres magazines encore à explorer, même si les années 1860 sont comparativement plus pauvres en reliures à des prix raisonnables (non, Marie-Caroline, je ne le prendrai pas à 300 balles ton volume de La Mode Illustrée !).

Toutes les gravures de cet article sont des scans de ma collection personnelle de magazines anciens. vous pouvez soutenir leur acquisition et mon travail de numérisation avec un don sur mon KoFi. Vous pouvez retrouver toutes les images que j'ai déjà numérisées sur mon FlickR, elles sont en Creative Commons donc vous pouvez les télécharger en haute résolution.
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