Les corsets à Hollywood, éternel marronnier
Une à deux fois par an, un media plus ou moins putaclic nous ressort l'argument de "les-corsets-c'est-mauvais-pour-la-santé". On a droit au différentes variations des déclarations de la même poignée d'actrices qui se plaignent de leur(s) expérience(s) en corset - en oubliant allègrement toutes celles qui disent du bien des corsets (parce que ça, c'est pas vendeur).
Petit screencap de la dernière salve :
En tant que corsetière, porteuse de corset et spécialiste de période(s) de l'Histoire du Costume où on portait des corsets, je suis un peu fatiguée de voir ressurgir les mêmes arguments vaseux. Là, c'est dans les médias, mais on me les a déjà sorti en direct, sans trembler des genoux, alors que j'étais en corset et que je venais de traverser l'agglomération parisienne en métro, bon sang !
Petit screencap de la dernière salve :
En tant que corsetière, porteuse de corset et spécialiste de période(s) de l'Histoire du Costume où on portait des corsets, je suis un peu fatiguée de voir ressurgir les mêmes arguments vaseux. Là, c'est dans les médias, mais on me les a déjà sorti en direct, sans trembler des genoux, alors que j'étais en corset et que je venais de traverser l'agglomération parisienne en métro, bon sang !
Un corset, à la base, c'est un sous-vêtement, au même titre qu'un soutien-gorge ou une gaine. Un pal ou une vierge de fer, ça ce sont des "instruments de torture". Menue différence.
Je suis corsetière, pas masochiste. Je porte des corsets, occasionnellement, pour la silhouette et/ou pour le soutien lombaire. Et je suis extrêmement sensible à mon confort (coucou l'autisme). Si un vêtement me fait mal, je l'enlève !
Il serait peut-être temps de se poser la question de l'utilisation que fait Hollywood du corset, dans tout ce qu'elle a de problématique.
Parce que dire que les corsets de, mettons, Bridgerton, sont mal faits, c'est absurde. Bridgerton, ou le film Corsage qui a été récemment cité aussi, ont embauché d'excellents corsetier-e-s, qui ont une clientèle mondiale, de gens qui vivent et montent sur scène dans leurs corsets.
Les corsets sont beaux et bien faits. Le souci, il est peut-être au niveau des specs par contre - vouloir du coutil qui serre la taille pour des corsets empire, par exemple.
La scène d'ouverture de Bridgerton. Juste non. So much non. |
Ou penser que le corset va rendre lae porteureuse plus mince de partout.
Un corset, ça n'est pas fait pour amincir le corps des femmes pour les faire miraculeusement rentrer dans un costume trop petit. C'est une insulte aux costumièr-e-s, une paresse, et un procédé profondément malsain. Les actrices ont des corps, déjà très policés, qui sont leur outil de travail. Respectons-les et acceptions-les comme ils sont, et utilisons le corset comme une fondation adéquate pour créer la silhouette voulue dans le décor de l'histoire. Point.
(beaucoup de costumièr-e-s se sont exprimé à ce sujet, je vous renvoie notamment au live fait par Abby Cox qui évoque bien les conditions de travail des costumièr-e-s et acteurices sur les séries et le cinéma)
J'aimerais vraiment tordre le cou à ce mythe du corset comme vêtement "oppressif".
Le corset a été porté largement, dans toutes les couches de la société, pendant plusieurs siècles. Prétendre que c'est un pur outil d'oppression patriarcale, imposé aux femmes par les hommes, est faux et sexiste. C'est nier l'autonomie des femmes dans leur garde-robe et leur quotidien - cf. notamment les travaux de Lynn Sorge-English sur les corps baleinés 18ème et la façon des femmes de se les approprier, et de Rebecca Gibson sur les effets sur le squelette du port du corset.
Le corset a été porté largement, dans toutes les couches de la société, pendant plusieurs siècles. Prétendre que c'est un pur outil d'oppression patriarcale, imposé aux femmes par les hommes, est faux et sexiste. C'est nier l'autonomie des femmes dans leur garde-robe et leur quotidien - cf. notamment les travaux de Lynn Sorge-English sur les corps baleinés 18ème et la façon des femmes de se les approprier, et de Rebecca Gibson sur les effets sur le squelette du port du corset.
Trop souvent, le corset est un raccourci métaphorique commode et
paresseux pour figurer la violence patriarcale dans le scénario, quand
on ne tombe pas dans le torture p*rn (ai-je besoin d'évoquer de nouveau la scène
d'ouverture de Bridgerton ?), et les médias s'en font le relais lors des
campagnes de promotion. Le corset est devenu le seul moyen de
caractériser le rapport d'un personnage féminin à son rôle social, on
dirait - elle aime le corset, elle est soumise et rétrograde ; elle ne
l'aime pas, c'est une femme forte, indépendante et moderne.
Quelqu'un a dit "cliché" ?
|
Pourquoi est-ce qu'on tend systématiquement le micro à une actrice qui
dit qu'elle s'est fait une déchirure musculaire à cause du corset (je
fais des vidéos courtes à ce sujet, j'en reparlerai sur mon insta), ou
qu'on ne peut pas manger en corset, plutôt qu'aux artistes qui chantent
et dansent sur scène en corset, aux chanteuses lyriques qui en portent
de façon récurrente ? (on me souffle dans l'oreille "parce que le
capitalisme"...)
Floor Jansen, chanteuse de Nigthwish, en corset Royal Black |
Le corset n'a jamais empêché les femmes d'êtres actives physiquement - nous sommes plutôt plus sédentaires maintenant qu'on ne le porte plus.
Les femmes portaient des corsets avant l'eau courante, le réfrigérateur, la machine à laver dans chaque foyer, et les canalisations de gaz. Les femmes portaient des corsets pour faire de l'équitation, et même de la chasse à courre. Les femmes portaient des corsets pour danser, pour prendre les premiers métros, pour faire leurs courses, pour travailler à l'usine. Les premières alpinistes portaient des corsets.
Meta Brevoort, alpiniste du 19ème, avec ses guides, années 1870 |
Cela
ne signifie pas que le corset est un outil du féminisme ou qu'il n'a
jamais participé à la fétichisation des formes féminines - ça reste
un... sous-vêtement. Une photo d'époque en corset, ça nous semble très
habillé pour notre perception moderne, mais c'est de a minima gentiment
coquin pour l’œil de l'époque.
C'est
un objet, un outil, qui a participé et participe encore à modeler le
corps féminin et ses représentations, au même titre que le
soutien-gorge, la jupe, le pantalon, les grilles de tailles et les
magazines de mode. Il est temps de le remettre dans son contexte et d'en
parler de manière plus nuancée.