Robe de mariée ancienne - dater une photo de mariage
Vous êtes déjà tombé-e-s sur de vieilles photos anciennes et avez rêvé devant les dentelles d'une mariée des siècles passés ? A quoi ressemblait vraiment ce qu'elle portait ?
Ma collection de photos anciennes comporte plusieurs robes de mariée. Les admirer c'est bien, mais comment étaient-elles construites ? Comment une femme pouvait-elle se sentir dans sa robe blanche ?
Je vous présente aujourd'hui une des plus belles photos de mariage en ma possession, un couple de jeunes mariés, photographié à Nogent-sur-Marne au tout début du XXème siècle.
La photo m'est parvenue dans un album de portraits type "carte de visite", mais je n'ai aucune information ni sur le cliché, ni sur l'album. Il est possible que les photos constituent effectivement une collection de photos familiales. Mais je ne peux avoir aucune certitude et je ne vais pas vous parler du reste de l'album (pour le moment).
Qui sont les mariés ?
Alors précisément, je n'ai pas d'éléments pour le savoir - aucune main prévoyante n'a pensé à noter leurs noms au dos de la photo. Par contre on peut déduire pas mal de choses de la photo.
Ce sont des gens aisés. Tout un tas d'indices me poussent à cette conclusion. Déjà, la taille de la photo : 10,5 par 16,5 centimètres, quand la majorité des formats carte de visites font 6,5 par 10,5cm.
Ensuite, notre jolie mariée s'est fait faire une robe blanche (ou très claire, mais le blanc reste très vraisemblable) pour l'occasion - alors oui, la robe de mariée blanche est une tradition déjà bien implantée depuis le XIXème siècle, mais tout le monde ne s'offre pas pour autant une robe à usage (quasi-)unique.
D'autres photos de mariage du début du XXème siècle, pas de pauvres gens non plus mais qui y vont moins fort sur le "C'EST MOI LA MARIEE !"
La mariée ne porte pas de voile, par contre elle porte les
traditionnels petits bouquets de fleurs d'oranger en couronne. Et
épinglées au col. Et à la taille. ET au poignet.
Les fleurs en question sont en cire et tissu, et destinées à être précieusement conservées après le mariage.
Les images Pinterest, le cul-de-sac pour sourcer... |
On rajoute une traîne vraiment très longue (et très claire - la part de moi qui s'occupe de la lessive en a des frissons), ça fait beaucoup d'éléments concordants pour dire que ces mariés avaient des moyens, et une certaine envie de le montrer.
Dater une photographie ancienne
Vous espérez qu'il y aie au moins une date associée à ce mariage ? Raté. Par contre, on peut essayer de s'appuyer sur les éléments de la robe de la mariée pour donner une date approximative. La robe a été faite pour l'occasion, j'ai tendance à penser qu'elle va coller au plus près de la mode du moment - et des goûts de la mariée, à l'époque comme aujourd'hui.
Pour déterminer plus précisément de quand date cette robe de mariée, commençons par les éléments les plus caractéristiques :
- la silhouette en sablier
- le corsage pigeonnant devant
- la forme des manches
Je compare ça avec les connaissances que j'ai en tête en termes de silhouette générale - je dirais première décennie du XXème siècle - et je compare ensuite plus précisément avec des sources d'époque. Je préfère aller voir du côté des magazines car la date y est directement associée, ils sont bourrés d'illustrations et me donnent une image plus générale de la mode à un moment donné.
J'ai la chance d'en avoir plein à la maison, mais les magazines de mode se trouvent maintenant facilement en ligne.
La Mode Illustrée, 30 janvier 1898 |
La silhouette générale - taille fine, jupe très évasée en bas, col montant nous situe vers la fin du 19ème, début du 20ème siècle.
Le devant du corsage pigeonnant est typique du début du siècle. L'ampleur n'est pas trop importante, et concentrée en quelques plis bien nets en bas du milieu devant.
La Mode Pratique, 15 février 1902 |
La jupe
La
jupe suit la courbe des hanches et s'évase très rapidement. Pas de
plis, mais beaucoup d'ampleur à l'ourlet, la silhouette du bas de la
robe me semble un peu moins moderne que le haut, elle me rappelle ce
qu'on peut voir vers 1895.
La Mode Illustrée, 1895. Pas de blousant sur le corsage, et de grosses manches. Mais la jupe est bien ample. |
Mais le reste des éléments (on va voir ça plus bas) semble plus tardif, autour de 1900, et la coupe des jupes ressemblerait plutôt à ça :
Patron d'une jupe (et d'un genre de boléro, à droite), 4 mai 1901, La Mode Pratique Jusqu'en 1898-99, les pièces qui constituent la jupe ont des bords bien droits dans le bas. On courbe un peu le haut des couture pour suivre l'arrondi des hanches, mais ensuite ça s'évase en A, tracé à la règle. Au tournant du siècle on commence à voir un évasement supplémentaire en-dessous du genou.
La Mode Pratique, 25 mai et 22 juin 1901 Il y a souvent une décoration qui marque l'endroit à partir duquel la jupe commence à s'évaser. Le tombé est souvent plus droit, les tissus représentés sont plus souples que les années précédentes. Mais ce n'est pas universel :
C'est peut-être le goût individuel de la mariée qui joue, ou l'emploi d'un tissu particulièrement raide qui explique cette forme... Les jupes de la dernière décennie du 19ème ont tendance à raser terre sans plus tout autour. A partir de 1899, elles s'allongent juste assez pour s'évaser en corolle, un petit poil plus derrière. En 1901, on a une légère traîne dans la vie de tous les jours.
Bien sûr, la robe pouvait toujours être modifiée par la suite, la traîne raccourcie et le tissu teint. Les pages de conseils des magazines de mode en attestent, le réemploi est courant (mais le plus souvent envisagé sur les robes usées ou démodées). La Mode Pratique, 7 décembre et 26 janvier 1901 Le pli ou la fente dans le bas de la jupe ne semble pas être un truc très commun non plus, mais j'ai quand même trouvé quelques références qui s'en approchent, à partir de 1898 et jusqu'en 1901. C'est plus souvent une quille qu'un genre de pli ceci dit. La Mode Illustrée, 16 janvier 1898 En d'autres termes, une robe pour femme enceinte Les manchesLa forme du reste de la tenue pourrait correspondre à la mode de 1899, mais il y a les manches...
La Mode Illustrée, 5 mars et 29 janviers 1899 Il y a un peu d'ampleur dans la tête de manche, mais pas beaucoup, et concentrée uniquement dans le haut de l'emmanchure. Je trouve des choses similaires dans La Mode Pratique, en 1901.
Les manches sont serrées sur le bras (on exclut du coup le milieu des années 1890 comme les années 1904-1906 où les grosses manches sont bien présentes sur le biceps) et s'évasent sur l'avant bras.
Elles s'arrêtent un peu avant le poignet et une sous-manche bouffante en dépasse, qui se ferme par un poignet rigide de 5 centimètres de large (à vue de nez). Et ça, on le trouve spécifiquement à partir de 1900. (liens vers le site crea-vintage car je n'ia malheureusement pas de magazine de l'année 1900 en ma possession)
La Mode Pratique, 11 mai, 9 février et 14 septembre 1901 La Mode Pratique, 22 février et 2 février 1902 Le verdict... ne peut être bien sûr qu'une estimation plus ou moins éclairée. J'aurais tendance à placer la robe de Maramde, et donc la photo de nos mariées, entre 1900 et 1902, pas plus tôt à cause des manches, mais pas plus tard, les jupes tendant à s'évaser et à devenir moins raide.
La Mode Pratique, 7 septembre 1901 et 23 février 1902 Le style de la coiffure correspond d'ailleurs aussi à ce qu'on peut voir sur ces autres gravures de robes de mariée de ces années. La Mode Pratique, 8 février 1902 Je vous concocte à peu près une fois par mois
un petit best of de choses jolies et intéressantes à voir, surtout ici
et un peu ailleurs aussi. Pour le recevoir, c'est par là :
|