L'Historienne du Costume, cet oiseau rare (cui cui !)

Il y a quelques semaines déjà, lors de mon dernier passage (express, au pas de course, pour changer) à Paris, une vile tentatrice amie charitable me proposa d'économiser un ticket de métro en gagnant Orsay (plus de détails plus tard, promis, j'oublie pas !) à pied, en longeant la Seine. La Seine, vous savez, ce truc large et humide bordé de BOUQUINISTES.
De deux choses l'une : soit le prix du ticket de métro a connu cet après-midi-là une hausse aussi fulgurante et phénoménale que temporaire, soit euh... mon porte-monnaie s'est fait avoir. Oh, j'ai été sage sur les livres (chez les bouquinistes, moins à Orsay), mais le problème, c'est que ces bouquinistes sont aussi fort bien pourvus en gravures et magazines de mode anciens. J'étais faite. Finie. Impossible d'y échapper.
Au-cu-ne volonté.
La première, c'était pour marquer le coup, parce que ça faisait bientôt dix ans que je n'avais plus acheté de gravure à l'unité, et que les "masques", j'adore ça.
1891, Journal des Demoiselles
Déguisements d'enfants
Comme nous avons au passage discuté un peu techniques de l'estampe et gravure de mode, j'en profite pour ajouter quelques détails sur cette adorable chose (qui s'est avérée encore plus intéressante à regarder au calme). Le papier, très lisse, la texture granuleuse des zones grisées me font dire que c'est sans doute une lithographie - avec, sur la pierre, quelques traits à la plumes pour des détails très nets comme le profil de la petite Reine de Coeur, le chapeau du Breton, ou le col de la Jockey, et les ombres à la craie grasse.  La couleur, à vue de nez, est de l'aquarelle* appliquée après impression - les petits manques et imprécisions montrent qu'il s'agit de couleurs distinctes, utilisées pures, plutôt que d'une superposition de différentes valeurs de couleurs primaires. donc non, Heileen, puisqu'on en parlait, pas de chromolithographie pour celle-ci (pourtant, en 1891 a priori, le procédé est rodé et largement utilisé)(oui, j'ai fait mes petites recherches wikipédiesques). Aucune idée de la raison, si c'était une question de coût, de devoir renouveler entièrement l'équipement... ? Ce qui est intéressant par contre, mais là vous allez devoir me croire sur parole parce que ça se voit à peine à l'oeil nu, sauf en lumière rasante, et que ça disparaît complètement au scan, c'est l'emploi de pigments métallisés, argentés et dorés. Ils sont appliqués en dernier, et apparaissent maintenant un peu marronnasses. Vous voyez les espèces de gros paquets à la place des boutons sur la Jockey ? Voilà, entre autres.

 Pas beaucoup de descriptions pour accompagner ces gravures, mais elles sont toutes rentrées dans le référencement de mon site.

Après nos jolis travestissements enfantins, nous sommes tombés sur un monsieur qui avait pleeeeein de jooooliiiies choses. Rien que des originaux (ce qui n'est pas toujours évident, et on vous vend souvent la repro au prix de l'original... *snort*), à des prix plus que corrects pour des gravures de cet âge. Je lui ai pris tout ce qu'il avait de mode féminine un peu pré-1860, et ce fut l'occasion de savoureux échanges :
"Alors ça, c'est, oh, vers dix-huit-cent...
- ..1830, rhaaaaaah t'as vu les manches ?
- Ah ouaaaaaiiiis... (au vendeur) Oui , on sait c'est...
- 1830 !
- ooooooh du 1840 !
- Et celle-là, c'est plus tard, vers 1840...
- Elle a des couleurs superbes, celle-là !
- D'habitude j'aime pas trop les crinos, mais là...
- Et là c'est la crinoline...
- OUI, ON SAIT !!!"
Peu ou prou. Monsieur le Vendeur particulièrement serviable en bleu, Heileen et moi en diverses teintes de vert. En gros, à chaque gravure de mode, il nous a expliqué de quelle période elle datait, et à chaque fois, soit l'une de nous l'avait dit avant, soit nous lui signalions que ouiiiiii on saaaaaaaiiiit. Très sympa le vendeur, mais à la huitième fois (parce que j'ai pas acheté tout ce que je regardais, non plus... hélas), on aurait bien aimé juste discuter de quelle gravure était la plus intéressante niveau costume et/ou jolie, plutôt que de lui répéter que oui, on savait ce que c'était qu'une tournure.
Surtout quand les dates étaient marquées dessus.
Il faut croire que c'est vraiment, vraiment rare, les gens qui ont des notions d'Histoire du Costume... Le bon côté de l'affaire, c'est que le vendeur, lui, il les avait, et qu'il était super sympa sinon, et que du 1833, ça se trouve pas sous le sabot d'un cheval.

Ah oui, et puis j'ai craqué sur des magazines aussi, mais à un autre stand, et comme y a  beaucoup plus de boulot de scan et d'OCR, ce sera pas pour ce soir. Mais le butin inclut une gravure de robe de style (link vers Koshka parce que la robe de style, ça ne pullule pas sur le net, et que l'article wikipède est, dirons-nous, sommaire), et un patron de jupe Belle Epoque qui... que... miam !

*au passage, goulante du soir : l'aquarelle, c'est fragile. Tous les pigments ne sont pas égaux face à la lumière, et certains disparaissent très, très vite exposés à la lumière directe. Ca m'a fait reposer certaines jolies gravures que je voyais accrochées en plein soleil.

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