La mariée était en blanc, mythes et légendes

Cet article, cela fait longtemps qu'il me démange, à force de lire un peu tout et surtout n'importe quoi sur le thème de : pourquoi se marie-t-on en blanc ?
Au choix, dans le super-bingo des réponses à l'emporte-pièce, on trouve :
  • la robe de mariée est blanche. Point, en tous temps, en tous lieux ;
  • c'est la reine Victoria qui a été la première et depuis l'intégralité de la population féminine s'y est mise. Alternative : c'est Marie Antoinette...
  • c'est un symbole de virginité, de pureté, plus ou moins imposé par l'Eglise...
Ouaich ouaich,... ben y a du boulot pour débroussailler tout ça ! (et décomplexer un peu celles qui hésitent à se lâcher avec une robe de mariée en couleur)
Robe de mariée blanche, vers 1910
Photo de mariage, vers 1910, collection personnelle

Je vais beaucoup m'appuyer dans les paragraphes qui viennent sur l'excellent (et déjà mentionné ici) ouvrage d'Edwina Ehrman : The Wedding Dress, 300 years of bridal fashion. Premier indice : le titre parle de 300 ans de mode pour la robe de mariée. Pas parce que les gens ne se mariaient pas avant - simplement parce que c'est depuis au XVIIIème siècle seulement que le concept d'une robe dédiée pour le mariage commence à se répandre dans la société.

La robe blanche n'est pas toujours une robe de mariée

C'est même un phénomène plutôt récent que de considérer qu'une robe blanche, forcément, ça "fait mariage". Les pages des magazines anciens et les réserves des musées regorgent de robes blanches qui ne sont pas des robes de mariée - robes de soirée, robes de bal, mais aussi robes d'après-midi, robes d'été...
Robes blanches anciennes
A gauche une robe, a priori de bal ou de soirée, de Worth de 1900 environ (vendue sur un site d'enchères ici), à droite une robe de soirée de 1829, apparemment postée sur Twitter par le Fashion Museum de Bath (impossible de remettre la main sur le lien d'origine malheureusement).
Robe du soir blanche, vers 1900
Robe du soir brodée de paillettes, vers 1900, Whitaker Auctions
Je l'ai déjà évoqué dans mes présentations de robes blanches anciennes : le blanc est une couleur très prisée pour les tenues de soirées (au sens large... du bal au petit dîner). C'est une couleur claire, donc bien visible en éclairage réduit.
Certaines périodes utilisent beaucoup le blanc, et pas seulement en soirée.
Il y a le fin coton blanc, plus ou moins brodé, qui apparaît avec les robes en chemise des années 1780 et se généralise autour de 1800. 
Trois robes Empires
Trois robes Empire conservées aux Arts Décoratifs
De g. à dr. 1804-1806, 1810-1815 et vers 1810
La mode du blanc revient aussi au début du XXième siècle, avec beaucoup de tenues en coton ou lin, décorées de broderies ou de dentelles (voire tout en dentelle).
Deux tea gowns d'été, 1905 à 1917, via Augusta Auction

Robe de mariée ou simplement robe blanche ?

Parmi les robes présentées ci-dessus, une seule est identifiée comme robe de mariée, celle-ci :
Robe de mariée vers 1810
Robe de mariée en linon brodé, vers 1810, Les Arts décoratifs

... robe à laquelle j'avais incidemment consacré un billet précédent, avant la refonte du site des Arts décoratifs. Du coup, gloire au webmaster, vous pouvez maintenant l'admirer sous toutes les couture, et la légende indique "robe de mariée".
Pourquoi cette mention ? Elle est sans doute liée à l'historique de la robe tel que le donataire l'a transmis au musée, ou aux informations que les conservateurs ont pu glaner sur la robe et sa porteuse.
L'identification précise est toujours délicate. Une représentation (tableau, photo...) du mariage peut être un indice décisif. A partir du milieu du XIXème, une décoration de fleurs d'orangers est un autre moyen d'identifier les robes de mariée.
Robe de mariée, vers 1875, Les Arts décoratifs
Vous voyez les petits bouquets de fausses fleurs d'oranger ?
Mais il faut bien garder à l'esprit que les informations qui se passent de génération en génération sont parfois déformées. De nos jours, on établit une équivalence absolue entre robe blanche et robe de mariée qu'on a trop tendance à projeter sur les robes anciennes.
Et il ne faut jamais sous-estimer le glamour de l'idée : "c'était la robe de mariée de ma trisaïeule". Surtout comparée à : "c'était une robe de Tante Ursule, je crois, on ne se rappelle pas trop si elle l'a jamais portée, elle était sans doute trop petite et c'est pour ça qu'elle n'a jamais été mise".

Le blanc et la pureté virginale

Faisons un petit détour du côté des convenances sociales et de la religion... Le blanc, une exigence de l'Eglise ? Pas vraiment. La notion de ce qui est "décent" pour une cérémonie à l'Eglise, notamment au XIXième, c'est moins la couleur que ce qu'on peut ou pas montrer : on couvre les bras, le décolleté, et les cheveux (d'un chapeau, d'un voile... l'essentiel étant de ne pas être tête nue). Le tout étant une recommandation. Dans les faits il y a des variations, des robes décolletées ou à manches courtes, on en trouve aussi.
La couleur a une certaine valeur symbolique - on peut faire le parallèle avec la blancheur du linge de corps, des robes de baptêmes, et avec les tenues des communiantes, qui comportent aussi un voile. Le blog Les Petits Mains a débroussaillé le sujet dans un article paru il y a déjà quelques temps consacré au blanc. Il y a l'idée de pureté, de moralité associée à un linge bien blanc.
Mais c'est aussi et surtout la marque d'une certaine aisance : on peut se permettre d'avoir des vêtements blancs, nettoyés ou changés s'ils se tâchent - d'ailleurs pendant les grands périodes de mode généralisée du blanc partout-tout-le-temps (années 100, années 1900), on mise surtout sur le coton, facile à laver, qui supporte la javel, et produit à moindre coùt donc plus facile à remplacer.
Mais, au XIXième siècle aussi, on peut se marier en violet (E. Ehrman, The Wedding Dress, pp. 96-97). Ou en bleu.
Robe de mariée victorienne bleue
Robe de mariée, 1869-70, RAMM Museum
Alors pourquoi et comment est née cette idée que la robe de mariée doit être blanche ? C'est quand même un peu lié à Victoria (mais pas que), et, ce billet étant déjà bien long, je vous en parle plus en détail dans un second post.

N'hésitez pas à partager ce billet autour de vous, l'Univers vous remerciera de corriger quelques idées toutes (mal) faites !
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